Amaury - récit de naissance
Amaury, mon enfant-espérance…
2008.
L’année des
bouleversements. Nous décidons de reprendre la direction de nos vies, ne plus
nous laisser mener par un quotidien qui nous détruit.
La Salamandre est mise en liquidation, nous partons
habiter la « grande maison » à Rumont, notre couple se reconstruit au
travers de Vivre et Aimer…
Ton arrivée
apparaît alors comme une évidence, un soleil au bout de ce chemin difficile que
nous avons entrepris. Mais les difficultés matérielles sont pour le moment
encore trop prégnantes, tu grandiras d’abord dans nos têtes et dans nos cœurs.
Avril-Mai
2008.
Tu viens
bousculer nos vies, balayer nos doutes. Tu es si pressé de venir en mon sein,
par la porte entrouverte tu t’installes aussitôt. Notre joie est grande, mais
ne dissipe pas toutes les angoisses… Pendant quelques semaines, tu resteras
notre plus beau secret.
Juin 2008.
Un cri
d’alarme résonne en moi : je saigne, j’ai peur de te perdre. Une annonce
en catastrophe de la grossesse à nos proches, qui nous laissera quelques temps
un sentiment d’amertume, de longues journées à la maison, seule…
Je ne peux
rien faire d’autre qu’espérer… et tu t’accroches !!
La grossesse
se déroule sereinement.
Je travaille
jusqu’au bout, faisant même quelques jours supplémentaires afin de m’octroyer
un congé maternité idéal.
Nous nous
préparons à ta venue avec Catherine, sage-femme libérale spécialisée dans les
accouchements à domicile : c’est dans la chaleur et l’intimité de notre
foyer que nous souhaitons t’accueillir.
Ton papa,
d’abord très réticent à cette idée a su faire sien ce projet et s’impliquer
totalement dans la préparation de ta venue. Je l’admire beaucoup pour cela.
Janvier 2009.
Le terme
s’approche, je commence à être fatiguée. Et de nombreuses inquiétudes viennent
parasiter cette fin de grossesse : la chambre qui n’est pas terminée, la
dernière écho qui te montre encore en siège… Angoisses et doutes reprennent le
dessus.
Tu vas alors
me faire signe : confiance, espérance !
Et jusqu’au
moment où tu seras dans mes bras, tu vas prendre ainsi le relais lorsque mes
limites, mes craintes me rattrapent.
30 Janvier.
Les enfants
sont rentrés de l’école, la soirée s’annonce tranquille. Je ressens quelques
contractions. Depuis deux jours, déjà, je perds le bouchon muqueux.
Kaëlann et
Timothée te font un câlin dans mon ventre, peut-être le dernier… et vont se
coucher gentiment.
Je revois
avec plaisir « Le cercle des poètes disparus », en finissant de
ranger du linge. La chambre est prête, la salle de bains aussi, il ne reste que
l’étage à nettoyer demain.
22h00.
Les contractions se sont arrêtées, je prends une douche et je me couche.
31 Janvier.
Le travail
reprend dans la nuit, plus intense. A 2h30, je sais que tu as entamé ta route
jusqu’à nous. Un texto à ta marraine, mon amie, lui permet de nous accompagner
par la pensée.
A 3h30, je
réveille ton papa, il appelle Catherine pendant que je me love dans un bain
chaud.
5h00.
Catherine est
arrivée. Je n’arrive pas à me laisser aller pour autant, je suis encore trop
dans le contrôle. J’ai du mal à accepter de laisser faire mon corps, ne pas
chercher à savoir où on en est, quantifier, mesurer…
Tu bouges
beaucoup, je sens tes douces ruades qui accompagnent chaque contraction. Tu es
là, avec moi, sur le chemin de notre rencontre.
7h30.
De retour dans
notre chambre, Catherine m’examine : 9 de dilatation. Je suis pleine
d’espoir, j’ai hâte. Je me sens heureuse, excitée, impatiente.
Les heures
suivantes vont me paraître longues et difficiles, car tu ne progresses pas. Les
contractions me font une barre dans le dos, je ne supporte pas qu’on me touche.
Tes frères,
réveillés, sont venus m’embrasser et regardent à présent un DVD. Ils partiront
bientôt jouer chez les voisins. Ton papa est là, présent juste ce qu’il faut,
trouvant parfaitement sa place…
J’accompagne
chaque contraction d’un grand cri, j’ai mal, je suis fatiguée. Guidée par
Catherine, j’arrive à me laisser aller au bord du sommeil, entre deux vagues.
12h00.
Nous en
sommes toujours au même point. Je désespère… je me sens en colère, colère de ne
pas être capable de t’accompagner, peur de la douleur que je ne contrôle pas,
qui me submerge. Catherine me propose de percer la poche des eaux, pour
accélérer le travail. Nous nous donnons 1h pour voir une évolution.
12h30.
Je renonce,
je me sens incapable d’y arriver. Catherine appelle la maternité, organise mon
transfert.
Je me sens
vide, vide de forces, vide de courage. Je me déçois, je m’en veux…
Alors, tu
prends le relais, profitant de l’activité du départ pour t’engager franchement
et me redonner espérance… Nous resterons donc ici.
Les
contractions se succèdent, difficiles, douloureuses, c’est ton chemin vers moi
que tu crées. Je n’arrive pas trop à t’aider, cherchant encore à comprendre,
réfléchir, intellectualiser plutôt que de te laisser me guider.
Je trouve
instinctivement comment souffler, pousser, t’aider. Je ne contrôle plus, mon
corps agit… Et tu nais, tu jaillis hors de moi sur une seule et longue
contraction.
13h05.
Amaury, mon
bébé-espérance, tu es là !
Et je pleure…
ces larmes qui se refusaient à moi au plus fort de la douleur, comme pour me
faire bien comprendre que je ne laissais pas assez mes émotions, sensations
profondes prendre possession de moi, jaillissent maintenant, libérées.
Ton papa
coupe le cordon : geste hautement symbolique pour lui, car il s’y était
toujours refusé pour tes aînés.
15h30.
Catherine
s’affaire autour de moi : ton placenta, bien que décollé, ne sort pas.
J’essaie de changer de position, mais rien n’y fait.
Je suis
fatiguée, j’en ai assez, j’aspire juste à te serrer dans mes bras, qu’on nous
laisse tranquille. Mais non, on ne peut rester ainsi, le transfert tant redouté
aura bien lieu.
A nouveau, le
découragement se fait sentir : après avoir traversé tout cela, se
retrouver à la maternité… je redoute de devoir subir leurs protocoles, d’être
obligée de rester plusieurs jours là bas.
Pompiers et
Samu arrivent, l’animation qu’ils créent me distrait un peu : j’aurais
droit à « la totale », le grand jeu est sorti. Petit bonhomme, c’est
ton papa qui t’habille et s’occupe de toi. Nous partons tous à Fontainebleau.
17h00.
Je suis prise
en charge par la sage-femme que nous avions rencontrée une semaine auparavant.
Ce visage connu me rassure, mais si peu...
En arrivant,
je fonds en larmes, au bord de la crise de nerfs, désespoir.
Avant de
m’envoyer au bloc, la s-f veut tenter quelque chose. Elle me sonde la vessie.
Aussitôt libérée des litres d’urine qui m’encombraient (j’exagère, mais si
peu…), j’expulse immédiatement le placenta.
Mon petit
cœur, je te serre à présent contre moi, nous pourrons rentrer à la maison,
ensemble deux heures plus tard. Encore une fois, tu m’as apporté l’espérance,
la confiance en la Vie qui m’a manqué sur le coup…
De retour à
Rumont, nous retrouvons nos marques, tes frères nous rejoignent. Catherine
s’est éclipsée, nous laissant dans l’intimité de notre nouvelle famille. Je la
remercie de tout ce qu’elle a été pour moi, pendant cette extraordinaire
journée. Elle poursuivra son accompagnement dans les prochains jours, revenant
nous visiter, rassurante et attentionnée.
Les heures,
les jours passent, et je te découvre, Amaury, mon bébé.
Mon 3è enfant, et pourtant tout est si différent : tu bouleverses mes repères, je te découvre comme pour une première fois. A nouveau, tu m’obliges à mettre de côté mes « connaissances », mon expérience de la maternité, pour lâcher prise, me laisser aller à te faire pleine confiance, bâtir ensemble une relation nouvelle, unique…